François Gabart : « Très bien, cette première partie de record est très positive. C’est une des plus belles expériences de course au large que j’ai pu vivre, avec des sensations extraordinaires de vitesse, tout ce que j’aime. J’ai eu un petit brin de réussite dans l’Atlantique Sud : le fait que ça s’enchaîne aussi bien au large du Brésil et que tout s’ouvre devant moi, c’était génial ! Ça peut parfois prendre des années pour avoir de telles conditions. Après, c’est exigeant mentalement et physiquement en termes de concentration, mais c’est aussi ce que je recherche. »
Comment s’est passée la prise en main du bateau depuis le départ ?
FG : « Elle s’est faite dans l’urgence. Quand tu pars, tu n’es pas encore trop sûr de toi, tu te poses des questions sur les angles, les configurations de voile, tu sais qu’il y a de la mer, du courant, des cailloux…Ces premières heures de navigation sont intenses en termes d’émotion et il y a tout de suite de la vitesse, je suis vite monté jusqu’à 40 nœuds. Du coup, tu n’as pas le choix, tu prends vite tes repères, tu vois vite les limites du bateau et plus ça va, plus tu es en confiance. J’ai eu la chance de partir de jour, j’ai eu la journée entière pour me caler, j’étais bien plus en confiance quand je suis arrivé au Cap Finisterre et derrière, ça déroule. »
Etes-vous encore étonné par les performances du trimaran MACIF ?
FG : « Oui et non. D’un côté, je sais qu’il est capable d’aller très vite, mais d’un autre, la facilité avec laquelle il atteint ces vitesses est parfois déconcertante. Quand les conditions sont bonnes, il va sans souci jusqu’à 40 nœuds et a une capacité extraordinaire à rester entre 37 et 42 nœuds sans que ce soit dangereux. »
Etes-vous content des choix techniques opérés dans le cockpit de Macif avec cette cellule complètement protégée ?
FG : « C’est sûr que s’il y a quelque chose que je ne regrette pas, c’est le plan de pont et le cockpit. Quand je vois les conditions dans lesquelles je navigue, ça me paraît indispensable de le faire en étant protégé. Au début du record des 24 heures, j’étais en crocs et caleçon à 40 nœuds ! Je me sens très en sécurité dans le cockpit, c’est hyper important pour être capable d’aller vite. Et tu te dis que même s’il se passe le pire, tu es dans un endroit fermé, c’est rassurant. »
Cela fait maintenant plus de 13 jours que vous êtes en mer, votre record sur le trimaran MACIF, comment vivez-vous la solitude ?
FG : « Je la vis bien, je commence à avoir mes petites routines, à m’occuper du bateau comme je le faisais avec l’Imoca sur le Vendée Globe. Je rentre dans une relation où il n’y a plus que lui et moi, une certaine intimité se crée, un lien fort, qui n’existe pas en équipage et que tu n’as pas le temps d’avoir sur des courses plus courtes. Je ne lui parle pas encore, mais je ne vais pas tarder à lui dire quelques mots. Sinon, la notion de temps ne me pèse pas, les journées s’enchaînent vite. Après, pour le moment, je suis resté dans des contrées où je n’étais pas complètement seul. Dans les semaines qui viennent, il n’y aura vraiment plus personne, peut-être quelques humains qui traînent par-ci par-là vers les îles Crozet et Kerguelen, sinon, c’est quand même un grand désert, mais ça ne me dérange pas plus que ça. »
Dans quel état d’esprit abordez-vous ces mers du Sud ?
FG : « C’est un peu comme quand tu es petit et que tu es en haut d’un toboggan : tu prends ton élan et tu es parti, tu ne peux plus reculer. A un moment donné, le chemin le plus court pour rentrer à la maison est devant toi. Je ressens vraiment l’impression de me faire aspirer, il y a un côté un peu impressionnant, mais en même temps, c’est hyper excitant, parce que tu sais que ça va aller vite. D’ailleurs, dans 80% de mes rêves, je fais un truc qui glisse ! Là, j’ai l’impression que l’Afrique du Sud est à une altitude plus haute que le Cap Horn et que ça va glisser jusqu’au Cap Horn. Après, je sais qu’il va y avoir quelques petites bosses sur le toboggan… »
Quelles sont vos conditions de navigation en ce début d’Indien ?
FG : « Je suis en train de traverser une dorsale, une zone sans vent qui fait la liaison entre la dépression qui m’a poussé jusque-là et l’Indien, elle va m’amener dans un autre système dépressionnaire qui arrive de Madagascar. Cette dépression est très forte, l’idéal serait de passer devant, mais on ne va sans doute pas y arriver, du coup, je vais être obligé de rester derrière. Et pour rester derrière, il vaut mieux la laisser passer et essayer de la suivre, plutôt que de rentrer dedans et se faire doubler par la dépression. Ce qui veut dire qu’une fois passé du bon côté de la dorsale, je vais ralentir pendant plusieurs heures pour laisser passer le gros de la dépression puis repartir. Je crois que c’est la première fois que ça m’arrive d’attendre en course, mais ça fait partie du jeu, il y a des moments où ça ne passe pas. Et je vais essayer d’en profiter pour bien finir le tour du bateau, bricoler, notamment finir ma réparation de la latte. Je vais aussi me reposer au maximum pour attaquer derrière cette dépression, parce que ça risque d’être sportif.
Thomas Coville avait été très rapide l’année dernière dans l’Indien, comment voyez-vous votre traversée ?
FG : « C’est difficile à dire, parce que cette fameuse dépression met un gros bazar : comme elle va être devant nous pendant un sacré paquet de temps, c’est elle qui va donner le tempo. Idéalement, il faudrait qu’elle avance suffisamment vite dans le bon sens pour que, même en étant derrière elle, on arrive à tenir des vitesses correctes. Les modèles ne sont pas très bien calés, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura pas de record sur cette partie du parcours, au mieux, ça va être un temps moyen-correct. »
Après presque deux semaines de mer, comment vous sentez-vous physiquement et mentalement ?
FG : « Je suis plutôt en forme, j’ai bien dormi cette nuit, je ne pense pas être en dette de sommeil. Et le moral, forcément, est à fond la caisse. Je suis arrivé en moins de 12 jours à Bonne-Espérance en vivant des choses exceptionnelles sur un super bateau… Si je n’avais pas le moral, il faudrait faire quelque chose ! »
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Texte issu du communiqué de presse du trimaran MACIF